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Par ahoui le 23 Avril 2013 à 00:00
L'élite, c'est le professeur, le poète, l'ouvrier.
Jean-Luc Mélenchon
J'ai entrepris de donner quelques vers de Victor Hugo en écho à chacun des textes retenus sur le Chemin des poètes 2013 (voir le biloba, depuis le 20 avril). Hier, sur le pouce de Christophe Jubien, le poème entier aurait eu sa place. Le voici donc.
Ce Victor quand même, quel talent !affiche de Firmin Bouisset (1859-1925)
Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture
Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité,
Repose le salut de la société,
S'indignèrent, et Jeanne a dit d'une voix douce :
— Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce ;
Je ne me ferai plus griffer par le minet.
Mais on s'est récrié : — Cette enfant vous connaît,
Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche.
Elle vous voit toujours rire quand on se fâche.
Pas de gouvernement possible. À chaque instant
L'ordre est troublé par vous ; le pouvoir se détend ;
Plus de règle. L'enfant n'a plus rien qui l'arrête.
Vous démolissez tout. — Et j'ai baissé la tête,
Et j'ai dit : — Je n'ai rien à répondre à cela,
J'ai tort. Oui, c'est avec ces indulgences-là
Qu'on a toujours conduit les peuples à leur perte.
Qu'on me mette au pain sec. — Vous le méritez, certe,
On vous y mettra. — Jeanne alors, dans son coin noir,
M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir,
Pleins de l'autorité des douces créatures :
— Eh bien, moi, je t'irai porter des confitures.(L'art d'être grand-père)
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Par ahoui le 20 Mars 2013 à 00:00
Le Printemps
Merl', v'là l' Printemps ! Ah salop'rie,
V'là l' monde enquier qu'est aux z'abois
Et v'là t'y pas c'te putain d' Vie
Qu'a r'biffe au truc encore eun' fois !
La Natur' s'achète eun' jeunesse,
A s' déguise en vert et en bleu,
A fait sa poire et sa princesse,
A m' fait tarter, moi, qui m' fais vieux.
Ohé ! ohé ! saison fleurie,
Comme y doit fair' neuf en forêt !
V'là l' mois d' beauté, ohé Marie !
V'là l' temps d'aimer, à c' qu'y paraît !
Amour ! Lilas ! Cresson d' fontaine,
Les palpitants guinch'nt en pantins,
Et d' Montmertre à l'av'nue du Maine
Ça trouillott', du côté d' Pantin !
V'là les poèt's qui pinc'nt leur lyre
(Malgré qu'y n'aient rien dans l' fusil),
V'là les Parigots en délire
Pass' qu'y pouss' trois branch's de persil !
L'est fini, l' temps des z'engelures,
Des taup's a sort'nt avec des p'lures
Dans de l'arc-en-ciel agencées
De tous les tons, de tous les styles ;
Du bleu, du ros', tout's les couleurs
Et ça fait croir' qu'à sont des fleurs
Dont la coroll' s'rait renversée
Et balad'rait su' ses pistils.
Jehan RICTUSLes Soliloques du pauvres, in Œuvres complètes, La Part Commune, 2012
Photo Maïette
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Par ahoui le 8 Février 2013 à 00:00
Trois courts poèmes d'enfants (dans l'ordre : Romina, Aurore et Clémence – 6 / 7 ans) écrits à partir de l'amorce Dans ma poche, il y a...
« On peut regretter que l'enseignant n'ait pas substitué la grenadine à l'apéritif anisé. Je dois néanmoins reconnaître qu'il a engagé avec ses jeunes élèves, une réflexion sur les méfaits de l'alcoolisation.» (M.J., IEN)
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Par ahoui le 20 Janvier 2013 à 00:00
Une chanson de Chauvin, oubliée sur les rayons de la BNF.
Et si une interprète la mettait à son répertoire ?
L'amoureux sergent
Mes chers parents ne plurez plus,
Je raviens de la guerre :
Dupuis que je n'vous ai pas vus
J'ai eu mon sort propospère,
Je suis borgne... mais j'suis sergent,
Un œil c'est assez suffisant ;
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)
L'Aile de l'ange, 2006
24 x 19,5 cm, collages et acrylique sur toileToujours sincère à mes amours
Après bien des tempêtres
Mé voici, pour couler mes jours,
Aveucque mes ancêtres,
Je suis manchot... mais j'suis sergent.
Un bras c'est assez suffisant...
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)
N'en a qui n'ont ben du malheur !!!
Dans l'état mélitaire,
Moi, j'ai toujours été vainqueur,
En amour comme en guerre.
J'ai pus qu'un pié... mais j'suis sergent,
Un pié c'est assez suffisant...
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)
Quoique jé soie dépareillé,
Je mé porte à merveille
J'ai pus qu'un œil, qu'un bras, qu'un pié,
Mais j'ai mes deux oreilles,...
Deux oreill' et l'grade d'sergent,
En ménag' c'est ben suffisant...
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)
Un coup que j'va t'êt' marié
À l'objet dé ma flamme,
L'on va m'appeler la moitié
Dé ma charmante femme ;
J'suis invalid'... mais j'suis sergent ;
C'qui m' reste est assez suffisant...
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)Œuvres poétiques de Chauvin, trois romances militaires, Paris, 1825 (gallica.bnf.fr)
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Par ahoui le 19 Janvier 2013 à 00:00
Rimer vin et divin, c'est de la petite bière pour le poète, mais rimer vin et chauvin ? Faut être Poitevin. Chauvin l'a fait dans une chanson* où il narre comment il drague conte fleurette à une demoiselle, l'invite à partager un plat de tripes à la mode de Caen...
Pourroit-on, mademoiselle,
Savoir votre petit nom ?...
— Je mé nomme Janneton...
Et vous... ment qu'l'on vous appelle ?
Moi... je m'appelle Chauvin,
Mon nom rime avec du vin...
C'canembourg la fit surire.Nous aussi. Il l'entraîne à l'écart dans un bosquet, elle est un peu barbouillée, et voilà...
Finalement dé la belle,
Le mal de coeur abouttit
Qu'il en eut plein son habit...C'est pas un petit rendu de rien qui va gâcher la vesprée, ça non...
Il l'embrasse tendrement
En lui soutenant la tête,
Car, en fait dé sentiment
Il est très entréprenant...et depuis ce jour, le grand amour dure.
* Œuvres poétiques de Chauvin, trois romances militaires, Paris, 1825 (gallica.bnf.fr)
Je ne sais rien de ce Chauvin, il n'est peut-être pas plus Poitevin qu'Angevin. Je mets de côté pour demain, un poème qui ne mérite pas que je le moque.** En illustration, l'enveloppe du dernier envoi de Jacques Brémond. Le magnifique Propos de vieilles femmes, de Monique Domergue. En voici les premiers mots :
« C'était en Catalogne, au bord de la fontaine. Deux femmes lavaient. Dans l'accomplissement des gestes quotidiens, la vieille contait à la plus jeune ce que celle-ci savait déjà.
Elle avait posé sa voix sur la pierre de l'évier et la parole coulait comme l'eau vive, mince filet inlassable et atone. [...]»
S'il n'y a qu'un livre de poésie à acheter ce mois-ci...
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Par ahoui le 4 Décembre 2012 à 00:00
Samedi dernier, au cours de la soirée Moules / Frites & Poésie qui réunissait les ami-es et soutiens du Printemps de Durcet, Jean-Claude Touzeil a évoqué la condamnation à perpétuité du poète qatari Mohammed Al-Ajami, alias Ibn Al-Dhib.* Peut-être Jean-Claude s'en fera-t-il l'écho sur son blog.
J'ai choisi un texte de Jean Sénac, autre poète victime de ses mots.
J'ai osé parler...
Parler de soi est comme une indécence...
Henri Alleg
J'ai osé parler !
J'ai osé te saluer, soleil !
Mon cœur, j'ai osé vivre au rythme de ta joie !
Le cri des torturés n'a pas brisé ma tête !
Ô injustice du monde !
Nuits sur toute la surface du corps !
J'ai osé dans l'exil nommer votre souffrance !
Ô frères !
J'ai vécu de votre dignité.
Vous nous avez rendu quelques mots habitables.
Jean Sénac
Diwân de l'état-major (1954-1957) in Œuvres poétiques, Actes sud, 1999
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Par ahoui le 16 Août 2012 à 00:00
On connaît l'anax imperator* ou la libellula depressa, moins la rare et lumineuse libellula divina tozella**.
De même, on connaît le compositeur, moins le poète.
LA LIBELLULE
Près de l'étang, sur la prêle
Vole, agaçant le désir,
La Libellule au corps frêle
Qu'on voudrait en vain saisir.
Est-ce une chimère, un rêve
Que traverse un rayon d'or ?
Tout à coup elle fait trêve
À son lumineux essor.
Elle part, elle se pose,
Apparaît dans un éclair
Et fuit, dédaignant la rose
Pour le lotus froid et clair.
À la fois puissante et libre,
Sœur du vent, fille du ciel,
Son aile frissonne et vibre
Comme le luth d'Ariel.
Fugitive, transparente,
Faite d'azur et de nuit,
Elle semble une âme errante
Sur l'eau qui dans l'ombre luit.
Radieuse elle se joue
Sur les lotus entr'ouverts,
Comme un baiser sur la joue
De la Naïade aux yeux verts.
Que cherche-t-elle ? une proie.
Sa devise est cruauté.
Le carnage met en joie
Son implacable beauté.
Camille Saint-Saëns, Rimes familières, Paris, 1890
* Sur ce blog, avec J(l')B, une histoire dont vous êtes le héros.
** Illustration : libellula divina tozella, au cours de sa parade amoureuse. « Faut r'connaître que ça en jette !» (la voisine).
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