• ... qui montrais la voie

    Maman de Laure-Élie, compagne de Thierry, amie de beaucoup des passagers de ce blog, Cathy est décédée hier.

    Si les poètes savent mettre des mots sur l'indicible, c'est aussi pour apaiser nos peines. Ce poème d'un veilleur à qui la mort a pris aussi une part de lui-même.

     

    J’étais là

    Je croyais pouvoir
    ne jamais écrire sur ta mort
    – question de pudeur
    ou de dignité.

    Pendant toutes ces années
    – opérations chimiothérapies
    hospitalisations urgences –
    je t’avais accompagnée.
    Toujours c’était toi
    – mon amour –
    qui montrais la voie.
     
    Terrible faiblesse de ma part :
    aujourd’hui j’ai écrit.

    J’étais debout
    au pied de ton lit.
    Ta respiration trop rapide
    ta bouche entrouverte
    tes yeux partis.

    Et je comptais les trous
    du bracelet en plastique
    qu’ils avaient mis à ton poignet
    lors de ton admission :

    Je n’avais plus que cela
    pour m’accrocher encore
    à notre vie ensemble:
    ton poignet
    un bracelet
    quelques trous.

    Et ce poème maintenant
    pour demander trop tard :
    sentais-tu que j’étais là ?


    François de Cornière
    Nageur du petit matin

    Poème publié dans la revue Décharge, n° 161, mars 2014
    « Abus d'incisesAir d'accordéon »

  • Commentaires

    1
    Samedi 5 Avril 2014 à 11:20

    le dernier vers reste sans réponse.

    2
    Samedi 5 Avril 2014 à 13:09

    elle le sentait, le ressentait..bien sûr qu'elle le savait, là.

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    3
    Samedi 5 Avril 2014 à 17:42

    Le poète trouve les mots pour tenter d'étancher son chagrin et, parce qu'il atteint l'universel de la douleur, il adoucit le nôtre...

    Merci, Yves...

    4
    Samedi 5 Avril 2014 à 20:48

    "Ceux que nous aimons sont en nous… c'est ainsi que nous avançons."

    5
    Flora
    Jeudi 7 Août 2014 à 17:27

    Je ne sais pas dire les mots, juste, partager...

    "Au début, j'ai bien cru perdre ma voix,
    la parole et la mort sont comme deux personnes qui voudraient entrer dans une pièce en même temps et se gênent,
    demeurent bloquées sur le seuil.  Au début la mort devenait de plus en plus grande et la parole bégayait de plus en plus,
    ensuite j'ai compris qu'il fallait éviter comme la peste tout ce qu'on croyait savoir à ce sujet,
    tous les mots convenus sur la douleur et la nécessité de revenir à une vie distraite,
    j'ai compris que, comme pour la vie, il ne fallait écouter absolument personne
    et ne parler d'une mort que comme on parle d'un amour, avec une voix douce, avec une voix folle,
    en ne choisissant que des mots faibles accordés à la singularité de cette mort -là, à la douceur de cet amour-là."

    (Christian Bobin)

     

    6
    Le Wolf
    Jeudi 7 Août 2014 à 17:27

    Pour celui qui n'est pas poète, il n'y a pas de mots. Je n'en ai donc pas.

    Simplement ne regardons pas la mort, c'est elle qui nous regarde, souvent envieuse.

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