-
... qui montrais la voie
Maman de Laure-Élie, compagne de Thierry, amie de beaucoup des passagers de ce blog, Cathy est décédée hier.
Si les poètes savent mettre des mots sur l'indicible, c'est aussi pour apaiser nos peines. Ce poème d'un veilleur à qui la mort a pris aussi une part de lui-même.
J’étais là
Je croyais pouvoir
ne jamais écrire sur ta mort
– question de pudeur
ou de dignité.
Pendant toutes ces années
– opérations chimiothérapies
hospitalisations urgences –
je t’avais accompagnée.
Toujours c’était toi
– mon amour –
qui montrais la voie.
Terrible faiblesse de ma part :
aujourd’hui j’ai écrit.
J’étais debout
au pied de ton lit.
Ta respiration trop rapide
ta bouche entrouverte
tes yeux partis.
Et je comptais les trous
du bracelet en plastique
qu’ils avaient mis à ton poignet
lors de ton admission :
Je n’avais plus que cela
pour m’accrocher encore
à notre vie ensemble:
ton poignet
un bracelet
quelques trous.
Et ce poème maintenant
pour demander trop tard :
sentais-tu que j’étais là ?
François de CornièreNageur du petit matin
Poème publié dans la revue Décharge, n° 161, mars 2014
-
Commentaires
Le poète trouve les mots pour tenter d'étancher son chagrin et, parce qu'il atteint l'universel de la douleur, il adoucit le nôtre...
Merci, Yves...
5FloraJeudi 7 Août 2014 à 17:27Je ne sais pas dire les mots, juste, partager...
"Au début, j'ai bien cru perdre ma voix,
la parole et la mort sont comme deux personnes qui voudraient entrer dans une pièce en même temps et se gênent,
demeurent bloquées sur le seuil. Au début la mort devenait de plus en plus grande et la parole bégayait de plus en plus,
ensuite j'ai compris qu'il fallait éviter comme la peste tout ce qu'on croyait savoir à ce sujet,
tous les mots convenus sur la douleur et la nécessité de revenir à une vie distraite,
j'ai compris que, comme pour la vie, il ne fallait écouter absolument personne
et ne parler d'une mort que comme on parle d'un amour, avec une voix douce, avec une voix folle,
en ne choisissant que des mots faibles accordés à la singularité de cette mort -là, à la douceur de cet amour-là."(Christian Bobin)
6Le WolfJeudi 7 Août 2014 à 17:27Pour celui qui n'est pas poète, il n'y a pas de mots. Je n'en ai donc pas.
Simplement ne regardons pas la mort, c'est elle qui nous regarde, souvent envieuse.
Ajouter un commentaire
le dernier vers reste sans réponse.